La sérénité de vos paies

La rupture conventionnelle est en constante évolution. Les juges admettent désormais sa conclusion avec une salariée en congé maternité ou revenant de son congé. Par ailleurs, ils règlent la question de l’articulation entre, d’une part, une rupture conventionnelle et une sanction disciplinaire et, d’autre part, une rupture conventionnelle et un licenciement.

La seule rupture à l’amiable

La rupture conventionnelle est, sauf dispositions légales contraires, la seule voie pour rompre à l’amiable un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) (cass. soc. 15 octobre 2014, n° 11-22251 FSPBR). En résumé, employeur et salarié suivent la procédure suivante (c. trav. art. L. 1237-11 à L. 1237-14) :

Remarque : La rupture conventionnelle avec un salarié protégé (ex. : un représentant du personnel) requiert l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail.

Rupture conventionnelle et protection de la maternité

Une salariée est protégée contre le licenciement pendant son congé maternité et durant les 4 semaines suivantes (c. trav. art. L. 1225-4). Pour les juges, cette protection n’interdit pas la conclusion d’une rupture conventionnelle pendant ces périodes, sous réserve toutefois de la fraude ou d’un vice du consentement (voir ci-après). Ils prennent ainsi le contre-pied de l’administration qui avait exclu la signature d’une rupture conventionnelle pendant un congé maternité (cass. soc. 25 mars 2015, n° 14-10149 FSPB ; circ. DGT 2009-4 du 17 mars 2009, § 1-1).

Remarque : Les pères sont également protégés contre un licenciement pendant les 4 semaines suivant la naissance de leur enfant (c. trav. art. L. 1225-4-1). À notre sens, une rupture conventionnelle pourrait être signée pendant cette période sous réserve, là aussi, de la fraude ou d’un vice du consentement.

La fraude ou un vice du consentement invalident la rupture conventionnelle signée avec une salariée en congé maternité ou dans les 4 semaines suivant ce congé. La fraude consiste, par exemple, pour l’employeur à tenter, par le biais d’une rupture conventionnelle, de contourner la protection contre le licenciement liée à la maternité. Par ailleurs, il y a vice du consentement si une salariée donne son accord par erreur ou parce qu’elle a subi une « violence » ou encore, du fait d’un dol (c’est-à-dire d’une manœuvre de l’employeur destinée à la tromper) (c. civ. art. 1109).

Remarque : La Cour de cassation avait déjà admis la signature d’une rupture conventionnelle avec un salarié bénéficiant d’une protection contre le licenciement, au titre d’un arrêt de travail imputable à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, « sauf fraude ou vice du consentement » (cass. soc. 30 septembre 2014, n° 13-16297 FSPBR).

Enfin, la rupture conventionnelle ne doit pas être motivée par la maternité, sous peine de nullité pour discrimination interdite (c. trav. art. L. 1132-1).

Pour rappel, une rupture conventionnelle peut être signée avec une salariée enceinte ou en congé parental d’éducation, sous réserve de son consentement libre et éclairé (circ. DGT 2009-4 du 17 mars 2009, § 1-2).

Rupture conventionnelle et procédure disciplinaire

L’employeur peut signer une rupture conventionnelle avec un salarié alors qu’il envisageait de le sanctionner. Cette rupture est valable même si un différend existait entre eux au moment de sa signature.

Toutefois, le salarié doit y avoir consenti en toute liberté c’est-à-dire, sans avoir subi de pression. Sinon, les juges requalifient la rupture conventionnelle en un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes les conséquences financières que cela implique pour l’entreprise (cass. soc. 23 mai 2013, n° 12-13865, BC V n° 128).

Si le salarié se rétracte de la rupture conventionnelle qu’il vient de signer, l’employeur peut :

Toutefois, il doit respecter le délai de 2 mois de prescription des fautes (c. trav. art. L. 1332-4 ; cass. soc. 3 mars 2015, n° 13-15551 FPPB ; cass. soc. 3 mars 2015, n° 13-23348 FPPB).

Remarque : Pour rappel, ce délai impose d’engager la procédure disciplinaire dans les 2 mois suivants le jour où l’employeur a eu connaissance de la faute du salarié.

Deux situations sont à distinguer, celle où la procédure disciplinaire avait été engagée avant la rupture conventionnelle et celle où la procédure disciplinaire n’est déclenchée qu’après la rupture conventionnelle (voir ci-après).

Procédure disciplinaire antérieure à la rupture

Convocation à l’entretien préalable avant la rupture conventionnelle. – La situation envisagée est la suivante (cass. soc. 3 mars 2015, n° 13-15551 FPPB) :

Le délai de prescription des fautes est respecté si le salarié est convoqué au second entretien préalable dans les 2 mois qui suivent l’envoi de la convocation au premier entretien préalable à la sanction disciplinaire. En effet, la convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire interrompant ce délai, un nouveau délai commence à courir à compter de cette date (cass. soc. 9 octobre 2001, n° 99-41217, BC V n° 304). En tout état de cause, dans l’affaire du 3 mars 2015, moins de 2 mois s’étaient écoulés entre la faute du salarié et la seconde convocation à l’entretien préalable.

Procédure disciplinaire postérieure à la rupture

La situation envisagée est la suivante :

Le délai de 2 mois de prescription des fautes s’écoule entre la date des faits fautifs (ou celle à laquelle l’employeur a eu connaissance de la faute du salarié) et celle de la convocation à l’entretien préalable. Il n’est pas interrompu par la signature de la rupture conventionnelle (cass. soc. 3 mars 2015, n° 13-23348 FPPB).

Dans l’affaire en question, ce délai n’avait pas été respecté. Or, quand les 2 mois se sont écoulés, la sanction est invalidée. En cas de licenciement disciplinaire, celui-ci est jugé sans cause réelle et sérieuse.

Rupture conventionnelle annulant un licenciement

Dans une troisième affaire jugée le 3 mars 2015, la Cour de cassation admet que l’employeur et le salarié concluent une rupture conventionnelle après un licenciement et renoncent ainsi, ensemble, à ce licenciement (cass. soc. 3 mars 2015, n° 13-20549 FPB).

On savait déjà que l’employeur ne pouvait pas, seul, revenir sur un licenciement dès lors qu’il l’avait notifié mais qu’il pouvait le faire avec l’accord du salarié (cass. soc. 1er octobre 1996, n° 93-44034 D). La rupture conventionnelle peut donc formaliser l’accord de l’employeur et du salarié pour renoncer au licenciement.

Dans l’affaire tranchée le 3 mars 2015, employeur et salarié avaient signé la rupture conventionnelle un mois après la notification du licenciement, c’est-à-dire à une date où le préavis aurait dû être en cours, le salarié en ayant été toutefois dispensé. À notre sens, il conviendra de ne pas trop tarder pour signer une rupture conventionnelle qui vaille « renonciation commune » à un licenciement et, à tout le moins, de rester dans le laps de temps du préavis.

Par ailleurs, la prudence recommande de s’abstenir de conclure une rupture conventionnelle à la suite d’un licenciement notifié dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). En effet, une rupture conventionnelle ne peut pas être signée dans le cadre d’un PSE (c. trav. art. L. 1237-16).

La nouvelle règle posée par la Cour de cassation, dans le troisième arrêt du 3 mars 2015, permet également d’« effacer » une démission via une rupture conventionnelle.

En pratique, du point de vue de l’employeur, l’intérêt de la démarche pourrait résider dans la sécurisation de la rupture lorsque la démission antérieure du salarié prêtait à discussion (ex. : le salarié a démissionné tout en émettant des réserves).