La sérénité de vos paies

La Cour de cassation vient de juger que les contributions versées par l’employeur à un organisme assureur pour le financement du maintien du salaire en cas de maladie au-delà d’une certaine durée, auquel l’employeur est tenu en vertu d’un accord collectif, sont soumises à la CSG et à la CRDS.

L’exclusion d’assiette des cotisations et contributions sociales était jusqu’à présent admise

La Cour de cassation a décidé, en 2006, que la prime acquittée par l’employeur dans le cadre d’une assurance souscrite pour garantir le risque d’avoir à financer le maintien du salaire au profit du salarié malade, auquel cet employeur est tenu par la loi sur la mensualisation ou un accord collectif, n’a pas pour objet de conférer au salarié un avantage supplémentaire et ne constitue donc pas une contribution au financement d’un régime de prévoyance instituant des garanties complémentaires au profit des salariés. Elle en avait conclu que cette prime n’entrait pas dans l’assiette de la CSG et de la CRDS (Cass. 2e civ. 23-11-2006 n° 05-11.364 et 04-30.208 : RJS 2/07 n° 274).

Cette solution, affirmée dans 6 arrêts du même jour, dont deux publiés, a été confirmée à deux reprises (Cass. 2e civ. 22-2-2007 n° 05-20.487 : RJS 5/07 n° 660 ; Cass. 2e civ. 11-10- 2007 n° 06-19.242). L’Acoss en a pris acte (Circ. 2007-30 du 8-2-2007 ; Circ. 2011-36 du 24-3-2011, questions 52 et 54) et, surtout, la DSS (Circ. DSS/5B 2007-77 du 23-2-2007 : BOSS 3/2007 ; Circ. DSS/5B 2009-32 du 30-1-2009 : BOSS 2/2009).

En outre, l’administration a déduit des arrêts de 2006 que les primes en cause échappent non seulement à la CSG et à la CRDS, mais aussi à tout prélèvement social. S’agissant des cotisations de sécurité sociale, il en résulte que les contributions patronales en cause, d’une part, sont exclues de leur assiette, y compris pour leur fraction excédant les limites d’exclusion d’assiette et, d’autre part, ne doivent pas être prises en compte dans l’appréciation de ces limites.

Vers une remise en cause ?

Dans deux arrêts du 12 mars 2015, la Cour de cassation juge que, dès lors que des sommes versées par un employeur à l’Institut de prévoyance des salariés de l’automobile, régime professionnel obligatoire prévu par la convention collective nationale étendue du commerce et de la réparation de l’automobile du 15 janvier 1981, concourent au financement de l’indemnisation des arrêts de travail des salariés au-delà d’une certaine durée, elles revêtent le caractère d’une contribution de l’employeur destinée au financement de prestations complémentaires de prévoyance, de sorte qu’elles entrent dans l’assiette de la CSG, de la CRDS et de la taxe sur les contributions pour le financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance (cette taxe est supprimée depuis 2012).

Les arrêts de 2015

La portée des arrêts du 12 mars 2015 n’est pas évidente.

Soulignons d’abord que, contrairement aux décisions de 2006, ils ne sont pas destinés à la publication.

On relèvera, en second lieu, que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale soumis à la Cour de cassation ne remettait pas en cause, semble-t-il, le principe de l’exonération de CSG, de CRDS et de taxe prévoyance des contributions de l’employeur au maintien de salaire. Le Tass avait réintégré le financement patronal dans l’assiette de ces contributions parce que, à ses yeux, l’employeur ne se trouvait plus dans une situation de maintien de salaire, eu égard aux stipulations particulières de la convention collective en cause (maintien de salaire financé par l’employeur, suivi d’une période de versement d’indemnités journalières complémentaires par un organisme assureur, financé dans un premier temps par le seul salarié, puis dans un second temps par le seul employeur).

On soulignera, enfin, que la Cour de cassation vise les maintiens de salaire prévus par les conventions collectives et non par la loi de mensualisation, aujourd’hui intégrée dans le Code du travail.

Les décisions rendues le 12 mars 2015 méritent donc d’être confirmées par des arrêts publiés.

Reste que plusieurs éléments ne vont pas dans le sens d’arrêts d’espèce.

En premier lieu, les arrêts de 2015 ne reprennent pas à leur compte la position selon laquelle les contributions patronales au maintien de salaire en application d’une convention collective ou de la loi ne seraient pas des contributions au financement d’un régime de prévoyance, laquelle justifiait l’exemption de CSG et de CRDS.

En second lieu, la solution retenue est présentée comme l’application d’un principe très général, tiré du texte même de l’article L 136-2 du CSS : les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance sont incluses dans l’assiette de la CSG (par renvoi, de la CRDS), à la seule exception des contributions aux régimes de retraite complémentaire obligatoire et aux régimes de retraite supplémentaire à prestations définies (« retraites chapeau »).

Enfin, alors que les arrêts de 2006 et de 2007 faisaient référence à l’article L 136-2 du CSS dans sa rédaction antérieure à la loi du 22 août 2003, ceux du 12 mars 2015 citent l’article L 136-2, « dans sa rédaction applicable en 2007 et 2008 », date du contrôle Urssaf litigieux. La modification des textes par la loi Fillon, laquelle a soumis l’exonération de cotisations des contributions de retraite et de prévoyance à des conditions plus strictes qu’auparavant, pourrait donc justifier, aux yeux de la Cour de cassation, sa « nouvelle » position.

La solution retenue dans les arrêts du 12 mars 2015 pourrait donc relever d’une position de principe, que la Cour de cassation, si elle était saisie d’une nouvelle affaire, pourrait bien maintenir.

L’administration (DSS et Acoss) ne s’est pas, à ce jour, prononcée sur le sujet. Mais il n’est pas exclu qu’elle prenne acte des arrêts du 12 mars 2015 pour revenir sur sa position concernant le non-assujettissement à la CSG et à la CRDS des contributions patronales au financement du maintien de salaire en application d’une convention collective, voire du Code du travail.

Selon nous, s’il se confirmait que les arrêts de 2015 sont des arrêts de principe, les employeurs ne seraient pas sans arme en cas de contrôle Urssaf et de redressement. En effet, en application de l’article L 243-6-2 du CSS, le cotisant ayant appliqué la législation relative aux cotisations et contributions sociales selon l’interprétation admise par une circulaire DSS régulièrement publiée est garanti contre tout redressement fondé sur une interprétation différente. Les entreprises pourront donc invoquer les circulaires DSS visées ci-dessus, tant qu’elles ne seront pas reportées. A noter que ces textes devront être invoqués auprès de l’Urssaf lors du contrôle, puis, si nécessaire, devant les juges du fond, éventuellement au stade du pourvoi en cassation.

En tout état de cause, la CSG et la CRDS étant des contributions salariales, les employeurs faisant l’objet d’un redressement à ce titre seraient en droit de les « récupérer », sous certaines conditions, auprès des salariés.

Dans les deux affaires tranchées par la Cour de cassation en mars 2015, l’employeur n’avait, à aucun stade de la procédure, invoqué l’opposabilité de la circulaire DSS du 23 février 2007. S’il l’avait fait et si les juges avaient estimé qu’il se trouvait bien dans un cas de maintien de salaire, la solution aurait peut-être été différente.

Selon l’article L 137-1 du CSS, dans sa rédaction applicable en 2007 et 2008, il est institué à la charge des employeurs une taxe sur les contributions des employeurs et des organismes de représentation collective du personnel versées, à compter du 1er janvier 1996, au bénéfice des salariés pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance. D’autre part, selon les articles L 136-2, II, 4° du même Code, et 14, I de l’ordonnance 96-50 du 24 janvier 1996 modifiée, dans leur rédaction applicable de même, sont incluses dans l’assiette de la contribution sur les revenus d’activité et de remplacement perçue au titre de la CSG et de la CRDS, notamment, les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, à l’exception de celles visées au 5e alinéa de l’article L 242-1 du CSS et au 5e alinéa de l’article L 741-10 du Code rural et de celles destinées au financement des régimes de retraite visés au I de l’article L 137-11 du CSS.

Ayant relevé que les sommes versées par l’employeur à l’institut de prévoyance des salariés de l’automobile en application du régime professionnel obligatoire prévu par la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et activités connexes du 15 janvier 1981, étendue par arrêté du 30 octobre 1981, concourent au financement de l’indemnisation des arrêts de travail des salariés au-delà d’une certaine durée, le tribunal des affaires de sécurité sociale en a exactement déduit qu’elles revêtaient le caractère d’une contribution de l’employeur destinée au financement de prestations complémentaires de retraite et de prévoyance.

Sources

Cass. 2e civ. 12 mars 2015 n° 14-13.108 (n° 403 F-D) et n° 14-13.109 (n° 404 F-D), Sté Renault Retail Group c/ Urssaf Ile-de-France