Une circulaire ACOSS du 6 juillet 2015 précise le régime social applicable aux remboursements de frais professionnels des salariés des entreprises de travail temporaire et des sociétés de services en ingénierie informatique (SSII).
Quelques rappels
Les frais professionnels – qui se définissent comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du salarié que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions (arrêté du 20 décembre 2002, art. 1, JO du 27) – sont exonérés de cotisations sociales sous certaines conditions et dans certaines limites.
Les avantages en espèces ou en nature versés en contrepartie ou à l’occasion du travail, pour leur part, sont soumis à cotisations sociales (c. séc. soc. art. L. 242-1).
L’indemnisation de ces frais professionnels s’effectue soit sous la forme d’un remboursement au réel sur justificatifs, soit, pour certains frais, sur la base d’allocations forfaitaires (arrêté du 20 décembre 2002, art. 2, JO du 27).
Il en va ainsi des indemnités de repas versées à un salarié en « petit » déplacement et des indemnités de repas et d’hébergement allouées à un salarié en « grand » déplacement, dont le régime social a déjà été abondamment commenté par l’administration (circ. DSS 2003-7 du 7 janvier 2003 et 2005-389 du 19 août 2005).
La direction de la sécurité sociale a apporté des précisions spécifiques pour les déplacements des salariés intérimaires des entreprises de travail temporaire (ETT) et des salariés en mission des sociétés de services en ingénierie informatique (SSII), dont l’ACOSS se fait le relais dans la lettre-circulaire du 6 juillet 2015.
ATTENTION : Une lettre-circulaire ACOSS n’a juridiquement pas de valeur contraignante. En cas de litige, elle ne lie ni les URSSAF ni les tribunaux.
Petits déplacements
Pour l’exonération des remboursements de frais professionnels, la notion de « petit » déplacement est caractérisée par l’impossibilité pour le salarié à regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail (arrêté du 20 décembre 2002, art. 3, JO du 27).
L’appréciation de la situation de petit déplacement se fait donc à partir du lieu habituel de travail.
La Cour de cassation a jugé qu’un salarié en mission (intérimaire, consultant) est sur son lieu de travail habituel dès lors qu’il occupe dans l’entreprise cliente un poste fixe ; il est alors considéré comme un salarié sédentaire (pour une entreprise de travail temporaire : cass. soc. 6 mai 1985, n° 83-15748, BC V n° 277 ; pour une SSII : cass. civ., 2e ch., 21 février 2008, n° 07-12230, BC II n° 46). La lettre-circulaire ACOSS relève que la jurisprudence ne se place ainsi pas sur le terrain de la durée de la mission.
Pour sa part, le ministère estime que l’entreprise cliente ne devient le lieu habituel de travail de l’intérimaire ou du salarié de la SSII que lorsque sa mission excède une durée de 3 mois.
Si la durée de la mission n’excède pas 3 mois, l’entreprise cliente n’est pas le lieu habituel de travail et le salarié est en déplacement ; l’exonération est alors admise.
Selon l’ACOSS, les indemnités de repas versées pendant les 3 premiers mois de la mission d’un salarié auprès d’une même entreprise cliente donnent lieu à exonération de cotisations sociales, soit dans la limite prévue par la réglementation en cas de remboursement par allocations forfaitaires, soit à hauteur des frais réels sur présentation de justificatifs, à condition que ce salarié se trouve dans l’impossibilité, pour prendre ses repas, de regagner sa résidence ou son entreprise (ETT ou SSII).
Pour mémoire, les allocations forfaitaires, en 2015, se montent à 8,80 € si le salarié n’est pas contraint de prendre son repas au restaurant et à 18,10 € s’il est contraint de prendre son repas au restaurant.
Si la mission de l’intérimaire (ou du salarié de la SSII) se prolonge, à partir du 1er jour du 4e mois consécutif, l’exonération de cotisations n’est possible que si elle implique des déplacements hors des locaux de l’entreprise cliente. Sous cette réserve, le salarié est donc traité comme un sédentaire de l’entreprise cliente : les éventuels remboursements de frais de repas n’ont plus le caractère de frais professionnels et ne sont plus exonérés à ce titre.
La durée de 3 mois équivaut à 55 jours de travail réalisés en continu. Par souci de simplification, cette durée s’apprécie de date à date, sans neutraliser les périodes de suspension du contrat de travail (ex : arrêt maladie, congés payés).
L’ACOSS insiste sur le fait que certaines pratiques peuvent s’apparenter à de l’abus de droit, lorsqu’elles viennent à répéter des contrats de mission d’une durée inférieure à 3 mois pour le même salarié au sein de la même entreprise cliente pour une mission équivalente. Si tel est le cas, à compter du 56e jour de travail réalisé de manière discontinue, l’entreprise cliente doit être requalifiée comme lieu de travail habituel.
Il est admis que les repas pris dans le restaurant de l’entreprise cliente peuvent être réglés par titre-restaurant, si ce restaurant :
- bénéficie d’un taux de TVA réduit ;
- est agrémenté par la commission nationale des titres-restaurant ;
- applique un tarif à l’exclusion de toute participation patronale.
Dans ce cas, l’exonération de la contribution patronale au financement du titre-restaurant n’est pas cumulable avec l’exonération de remboursements de frais de repas.
Grand déplacement
Un salarié est considéré en situation de grand déplacement s’il est en déplacement professionnel et empêché de regagner sa résidence habituelle chaque jour. Le salarié est présumé empêché de regagner sa résidence lorsque la distance séparant le lieu de résidence du lieu de déplacement (arrêté du 20 décembre 2002, art. 5, JO du 27) :
- est au moins égale à 50 km (trajet aller) ;
- et que les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1 h 30 (trajet aller).
Si le salarié est empêché de regagner son domicile en fin de journée pour des circonstances de fait, il est également considéré comme étant dans la situation du grand déplacement (arrêté du 20 décembre 2002, art. 5, JO du 27).
S’agissant des salariés en mission au sein d’un établissement d’une entreprise cliente (intérimaires ou consultants d’une SSII), ils sont réputés en situation de grand déplacement lorsque :
- la distance séparant le lieu de leur domicile habituel du lieu de leur mission est au moins égale à 50 km (trajet aller) ;
- les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1h30 (trajet aller) ;
- d’autres circonstances de fait les empêchent de regagner leur domicile habituel.
Rappelons que les 2 premières conditions (distance d’au moins 50 km et impossibilité de la parcourir dans un temps inférieur à 1h30 en transports en commun) sont cumulatives.
Si ces conditions sont réunies, les allocations forfaitaires de repas (midi et soir) et d’hébergement qu’ils perçoivent sont présumées avoir un caractère professionnel et sont exonérées de cotisations sociales dans la limite du barème des indemnités de grand déplacement. Si les salariés sont remboursés « au réel », l’exonération se fait pour la totalité des frais, sur présentation des justificatifs.
Selon l’ACOSS, le salarié est en effet empêché de regagner sa résidence habituelle, l’hébergement provisoire ne constituant pas sa résidence habituelle.
Toutefois, précise l’ACOSS, si l’URSSAF établit que le salarié regagne en réalité son domicile chaque soir, ou que l’employeur lui met gratuitement à disposition un logement, les indemnités versées n’ont plus le caractère de frais professionnels (le salarié, de fait n’engage pas de frais supplémentaires) et doivent être réintégrées dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale.
L’ACOSS admet que l’entreprise qui rembourse 1 mois complet de frais d’hébergement pour une location (meublée ou non meublée) au réel, sur la base de justificatifs, peut déduire ces frais dans leur totalité, même si les salariés n’occupent pas les lieux durant le mois en entier. À notre sens, la situation peut se présenter lorsque la mission s’achève en cours de mois, et que le salarié doit acquitter le loyer du mois entier ; dans ce cas, l’employeur rembourse en exonération de cotisations le loyer acquitté en totalité.
Selon l’ACOSS, le bail et les loyers acquittés sont inhérents à l’emploi et réellement justifiés dans leur globalité par les conditions du déplacement.
Les salariés en mission ayant leur domicile à l’étranger peuvent, en l’absence – dûment attestée – de résidence fixe en France à proximité de leur lieu de travail (entreprise cliente) bénéficier d’une indemnisation de leurs frais professionnels au titre du grand déplacement, dans les mêmes conditions que les salariés métropolitains, eux-mêmes placés en situation de grand déplacement.
Cette solution vise à se mettre en conformité avec les règlements communautaires.
Source
Lettre-circ. ACOSS 2015-34 du 6 juillet 201506